4 défis de la transition numérique des PME industrielles

Par Rose-Viviane Jupiter Vannel - Conseiller bénévole à l’AFUTT (Association Français des Utilisateurs des Télécommunications)

Ce bulletin est le fruit d'une recherche de terrain sur la gouvernance des risques, menée pour un mémoire d'Executive MBA en Cybersécurité.
Cette enquête a été rendue possible par un partenariat avec le salon SEPEM Angers et l'AFUTT, permettant de confronter la vision de 12 experts à la réalité de 80 PME et ETI.
En voici les 4 enseignements majeurs à destination des dirigeants qui souhaitent transformer les défis de la connectivité industrielle en opportunités.

1.Le défi du ROI : la peur de décider paralyse l'investissement

"C'est technique, ce n'est pas moi, il faut parler au DSI, moi c'est le business."
Un dirigeant de PME

« Quand on échange avec des industriels qui fonctionnent depuis vingt ans avec leurs réseaux Wi-Fi, DECT ou même LoRa, la question du retour sur investissement revient systématiquement : “Expliquez-moi pourquoi il me faudrait un réseau 5G privé.” Et là, on rame un peu pour convaincre, je ne vous le cache pas, c’est difficile. »
Un expert intégrateur (Directeur Développement Réseau IoT)

L’analyse

L’obstacle principal à la digitalisation n'est pas technique, mais économique et psychologique. L'industriel, concentré sur son business, attend une assurance quasi absolue quant à la rentabilité avant d'engager des ressources. Cette quête de certitude, dans un monde complexe, freine la prise de décision.

Les faits marquants de l’enquête 

Tendance de fond : près de la moitié des industriels interrogés (42,5%) citent le ROI comme leur levier de décision N°1.

Besoin de preuve : pour évaluer une technologie, 45% attendent de voir des cas d'usages concrets et réussis dans leur secteur.

L'opportunité stratégique

Plutôt que de viser un grand soir numérique, l'approche la plus pragmatique est celle du premier cas d'usage. Il s'agit d'identifier un projet unique, très ciblé, à fort impact, qui permette de construire une preuve de valeur irréfutable et de justifier des investissements futurs.

2.Le défi des données : la mine d'or inexploitée

"On ne sait pas monétiser l’IoT ; l’Internet des Objets c’est comme des tweets. Il faut trouver un autre business modèle."
Un expert académique (Directeur d’un centre de recherche réseau mobile du futur).

Vos machines sont-elles connectées? -Non
Le processus de maintenance fonctionne-t-il bien ? -Non."
Conversation avec employé d'usine en fonderie

L’analyse

Vos processus tournent par habitude, souvent sans être mesurés par les données fiables que les machines produisent déjà. Le potentiel d'optimisation est immense, mais invisible, car la plupart des indicateurs reposent encore sur une saisie manuelle, source d'erreurs.

Les faits marquants de l’enquête 

Le désir de se projeter : 37,5% des industriels attendent un outil de simulation avec leurs propres données pour évaluer les gains. Cela indique qu'ils sentent que la clé de la performance est déjà chez eux.

L'opportunité stratégique

Le premier pas vers l'Industrie 4.0 n'est pas un investissement massif, mais la valorisation de l'existant. Apprenez à écouter vos machines pour passer d'une culture de la donnée déclarative à une culture de la donnée mécanique, et révéler ainsi les gisements de productivité cachés.

3.Le défi de la sécurité : la peur qui paralyse l'innovation

"La solution, c'est de ne connecter la machine qu'au moment de la maintenance et de la déconnecter ensuite."
Un responsable de PME
"Le dernier gros incident OT, qui a bloqué un site pendant une semaine, est lié à une clé USB branchée sur un poste de monitoring."
"Le problème des sites industriels, c'est qu'ils ont beaucoup de retard. Ils essaient d'avoir les règles de base d'hygiène qui sont appliquées à l'IT depuis 15 ans."
Une experte en cybersécurité industrielle (Consultante Manager Cyber 5G)

"Les PME pensent que les attaques cyber, ça ne peut pas leur arriver."
Un expert en cybersécurité

"Les industries ont des problèmes physiques [...] où la 4G passe déjà mal. Le Wi-Fi n'est pas assez sécurisé. Ils préfèrent le filaire par sécurité."
Un intégrateur 

L’analyse

Un mélange de déni ("ça ne peut pas nous arriver") et de peur panique pousse à des solutions de contournement (isoler les machines, déconnecter les réseaux) plutôt qu'à une vraie stratégie de protection. Cette prudence, bien que légitime, prive l'entreprise des données essentielles à sa performance.

Les faits marquants de l’enquête

Une priorité absolue : La maîtrise de la cybersécurité est le 2ème levier de décision le plus important pour les industriels. Il est cité par 38,7% d'entre eux.

L'opportunité stratégique

Utilisez les technologies modernes "secure by design" (5G privée, robotique sécurisée...) non comme une contrainte, mais comme votre meilleur rempart. Une connectivité maîtrisée n'est plus une menace, mais au contraire le moyen le plus sûr de collecter enfin les données de vos ateliers.

4.Le défi des moyens : seul, on stagne. Ensemble, on accélère

"[Pour la mutualisation], ça peut créer une complexité que le DSI ne va pas avoir envie de gérer. Donc j'ai du mal à imaginer le fonctionnement de ce modèle."
Un expert en solutions IoT (Éditeur B2B)

"Les choses déjà mutualisées, ça va énormément aider. C'est un peu le principe des grands groupes, et un facteur que les PME n'ont pas forcément."
Un responsable Digitalisation en PME Industrielle

L’analyse

Un sentiment d'isolement domine face à la complexité des projets, au manque de compétences internes (data, cyber, réseaux), aux budgets limités et même aux contraintes physiques des bâtiments industriels où les réseaux classiques (4G, Wi-Fi) fonctionnent mal.

Les faits marquants de l’enquête

Un plébiscite pour l'humain : l'accompagnement est la priorité. Près de la moitié des sondés (46,3%) réclament un expert référent pour les épauler.

L'opportunité stratégique

La solution n'est pas de tout internaliser, c'est de mutualiser. Appuyez-vous sur l'écosystème existant (pôles de compétitivité, plateformes de tests techniques , financements publics..) pour accéder aux compétences et sécuriser l'innovation.

Les signaux faibles  

des profils détectés via l’analyse des chiffres

Lorsqu’on observe le profil "ROI-driven", il est pragmatique. Leur levier de décision privilégié est l'accès à un expert pour accompagner un premier POC. Ils ne veulent pas de théorie, mais des preuves (cas d'usages) et un accompagnement humain concret pour sécuriser leur projet.
Lorsqu’on observe le profil "Security-driven", celui-ci est plus technique et pratique. Ceux  qui exigent la maîtrise de la cybersécurité ont des démarches qui privilégient l’équilibre entre le pilote, les cas d'usages et l'analyse de dossier. Leur accompagnement N°1 est l'outil de simulation. Ils préfèrent expérimenter et se rassurer techniquement par eux-mêmes.
Ces 4 défis dessinent une feuille de route. 

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